A
De :  Ioan Rosca   
Date :  Samedi 19, Juin 2004  20:53  
Objet :  Re: [societatea_de_maine] Pour déjouer les atours des totalitarismes

Un text excelent. 

In ultimii ani am recenzat multe surse de gindire rebela pe Internet. Daca doriti, pot reface acest studiu si 
depune aici sinteza de adrese. Ma stupefiaza absenta din acest cor a contestatarilor romani.Aproape toti 
analistii din Romania s-au scufundat in apele noului totalitarism si schelaie pe mii de voci cintarea 
Capitalismului asteptind formarea Noului Om Nou. Am impresia ca degeaba imi caut tovarasi de revolta.
Ioan Rosca 
 
Dan Culcer wrote: 
 
> La dictature se maintient au pouvoir par l'usage de la force et de la 
> terreur, tandis que dans un systeme totalitaire, les gens souhaitent leur 
> esclavage et on fait tout pour les encourager dans cette voie. Ils sont 
> prets a renoncer a leur liberté pour la sécurité, le confort, l'oubli 
> d'eux-memes et des réalités genantes. 
> Dans un systeme totalitaire réussi, les individus, en intériorisant 
> l'idéologie, deviennent tous des flics pires que les agents de l'Etat, des 
> flics qui traquent impitoyablement toute trace de dissidence en eux et 
> autour d'eux. Plus besoin de répression sanglante exercée par les forces de 
> police, les braves citoyens s'en chargent de maniere encore plus efficace 
> par la surveillance, l'auto-censure et la délation. Et on peut compter sur 
> les mécanismes automatiques des marchés pour réguler et éliminer 
> "naturellement" tout ce qui pourrait encore dépasser. 
> 
> En ce sens, les régimes Nazis ou d'URSS étaient des totalitarismes 
> imparfaits, des sortes de dictatures totalitaires et autoritaires qui 
> avaient encore besoin de camps de rééducation forcés et d'exécutions 
> sommaires. Actuellement, le totalitarisme est devenu beaucoup plus profond 
> et subtil en se parant des oripeaux de la démocratie. Les régimes dits 
> démocratiques n'ont de démocratique que le nom et certaines formes de 
> surface. C'est pourquoi nous préférons employer le mot démocrature (mixage 
> de démocratie et dictature), quoiqu'il faudrait plutôt parler de démocratie 
> totalitaire, ou de totalitarisme a visage démocratique. 
> N'en déplaise aux prétendus humanistes, les prétendues démocraties 
> actuelles ne sont pas les meilleurs régimes existants, on pourrait meme dire 
> que ce sont les pires. N'en déplaise aux hypocrites, la démocratie n'est pas 
> menacée par le totalitarisme, la démocratie n'existe pas et le totalitarisme 
> s'accommode tres bien de quelques libertés formelles. 
> En effet, la dictature, par les assassinats et les lois ouvertement 
> liberticides, a au moins le mérite de montrer son vrai visage et de susciter 
> des réactions de dégout. La démocrature permet d'aller beaucoup plus loin 
> dans les développements totalitaires, tout en présentant une apparente 
> respectabilité. La violence étatique peut susciter le rejet, tandis que 
> l'unanimité totalitaire de la pensée unique est plus difficilement 
> attaquable et condamnable. Les sujets du totalitarisme a visage démocratique 
> adherent "librement" a leur oppression, ils ne peuvent donc pas critiquer en 
> profondeur un systeme qui est le reflet de leurs mentalités profondes, un 
> systeme avec lequel ils font corps, meme s'ils en souffrent. 
> Le totalitarisme, pour se maintenir et s'étendre, joue sur la complicité de 
> tous. Pas besoin de goulag ou de torture, les gens se rééduquent tous seuls, 
> ils s'auto-conditionnent, avec l'aide de la famille, de l'école et des 
> médias. Il s'agit d'un hypnotisme collectif consenti. 
> De plus, les formes démocratiques sont nécessaires parce qu'on adhere plus 
> facilement a un systeme "valorisant", défenseurs des droits de l'homme, qu'a 
> une dictature sanglante.

B

De :  Ioan Rosca  
Date :  Samedi 19, Juin 2004  20:37 
Objet :  Re: [societatea_de_maine] Alexis de Tocqueville, le Visionnaire de la Modernité

Impartasesc (sfisiat) starea care a produs acest text.De aceea doream sa instig spre o revolta "epistemica", o 
schimbare a radacinilor privirii politice si nu a imaginilor uzate produse de privirea veche. Dar ma las covirsit de 
"treburi" si de haul zadarniciei. Poalte altii, mai vii.....
Ioan Rosca


Dan Culcer wrote:

> Alexis de Tocqueville, le Visionnaire de la Modernité
> dimanche 25 novembre 2001
> par GUINARD
Au retour de son séjour aux États-Unis (1831-1832), Tocqueville entame la
rédaction de sa Démocratie en Amérique. Comprenant que le régime politique
et les conditions de vie en vigueur outre-Atlantique allaient se généraliser
partout ailleurs, a commencer par la vieille Europe, et que la propagation
du modele démocratique américain était inéluctable, il a essayé d'en
formuler les caractéristiques, et d'en imaginer l'évolution.

Tocqueville annonce l'avenement d'une société égalitaire, fondée sur
l'individualisme, l'agitation, et l'isolement, d'autant plus marqués que,
paradoxalement, chacun sera devenu plus semblable a autrui : "Je vois une
foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur
eux-memes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs." (Démocratie, II
4.6) Et aussi l'avenement d'une oppression d'un genre nouveau, qui n'est
plus despotisme ou tyrannie, mais une "sorte de servitude, réglée, douce et
paisible (...), un pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, [agissant par]
un réseau de petites regles compliquées, minutieuses et uniformes [qui] ne
brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il
force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse a ce qu'on agisse ; il ne
détruit point, il empeche de naître ; il ne tyrannise point, il gene, il
comprime, il énerve, il éteint, il hébete, et il réduit enfin chaque nation
a n'etre plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le
gouvernement est le berger." (Démocratie, II 4.6)

Le principal danger qui guette les citoyens de la conglomération unique et
mondiale - désormais le quotidien de chacun - n'est pas externe, mais
interne : c'est principalement l'inconscience de la servitude, cette
"servitude volontaire" dont Étienne de la Boétie avait fait l'objet de son
traité politique (1548). Le serf moderne, ou post-moderne, contrairement a
celui des sociétés antiques et médiévales, n'est plus conscient de sa
servitude, car il se paye de mots et subit passivement le discours
idéologique qu'il produit lui-meme, collectivement. A la fois isolé et
enferré, individualiste et noyé dans la collectivité. Le maître de jadis
pouvait aimer son serviteur ; le serf d'aujourd'hui est son propre
oppresseur. Car dans cette servitude généralisée, le serf ne se distingue
plus du maître. Chacun tend a devenir l'oppresseur et l'oppressé de l'autre,
non directement car l'autre, invisible, se manifeste dans l'ombre des
reglements, des lois et des transactions. Tous se ressemblent, car les
conditions d'existence et des modes de vie tendent a devenir les memes.
Cette entreprise d'acculturation mondiale, sans précédent dans l'histoire de
l'humanité - car ce qui disparaît n'est remplacé par rien - est sans visage
et sans voix, bien que bruyante, menée par tous et au profit de personne.

"Modes de vie" n'est pas "niveaux de vie", et il n'existe qu'un critere qui
permette de rendre compte des "modes de vie" : le taux de suicide, dont on
connaît l'accroissement dans les sociétés industrielles et
post-industrielles, en France, au Japon. L'égalité des conditions est une
idée beaucoup plus radicale que l'inégalité des richesses, finalement sans
importance (car le riche subit la meme servitude collective), ou que le naif
concept marxiste des modes de production. Comment l'économique pourrait-il
affranchir la conscience ? Il est, au contraire, son principal vecteur
d'asservissement !

Le mécene d'aujourd'hui est aveugle et soumis : il n'a ni intelligence, ni
culture, ni foi, pour patronner de réelles initiatives originales, pour
aider des talents a se développer. A l'inverse du mécene éclairé de la
Renaissance, il ne cesse de subir le diktat culturel et la terreur
idéologique. Il se tourne vers des associations, clubs et instituts de
"bienfaisance" qui ne sont que les succursales des institutions. De meme le
footballeur, le chanteur et l'acteur : soudainement enrichis par le systeme
et qu'on fait jaser devant les micros.

Tocqueville est un visionnaire. La réalité lui a donné raison : conditions
de vies égales, dégradation des moeurs et de la convivialité. Sur le modele
américain ? ou sur le russe ? : Tocqueville hésite. Peu importe, car c'est
la meme chose. La chute du Mur de Berlin n'a pas marqué la libération des
nations d'Europe orientale, mais leur entrée dans la servitude commune.
Réciproquement, a la chute du Mur, ce n'est pas le soviétique qui s'est
européanisé, mais plutôt l'européen qui s'est un peu plus "soviétisé",
"chinisé". L'abbé Ferdinando Galiani, "le plus profond et le plus lucide des
hommes de son siecle" (selon Nietzsche), écrivait déja en 1771, dans une
lettre adressée a Louise d'Épinay : "Nous ressemblerons dans cent ans
beaucoup plus aux Chinois que nous ne leur ressemblons a présent. (...) Il y
aura despotisme par-tout, mais despotisme sans cruauté, sans goutte de sang
répandue. Un despotisme de chicane et fondé toujours sur l'interprétation
des vieilles lois, sur la ruse et l'astuce du palais et de la robe, et le
despotisme ne visera qu'aux finances des particuliers." Cependant, une
différence sépare le russe ou le bulgare d'aujourd'hui qui ont connu la
servitude a visage découvert et ont pu se forger une carapace appropriée, de
l'occidental qui n'a rien connu d'autre que l'illusion de la liberté,
agrémentée de la Terreur idéologique mise en place a l'époque des "Droits de
l'homme". C'est ce qu'on constate de visu quand un américain et un russe se
croisent dans un avion : la supériorité cynique du second.

Ce n'est pas le russe ou le chinois qui est devenu capitaliste, mais ce
sont l'américain et l'européen qui sont devenus "communistes". La chute du
Mur est la marque de cet événement. Ce n'est pas le prolétaire qui est
devenu "bourgeois", mais l'inverse. Prolétariat signifie obligation de
travailler, pour subsister, selon des modalités imposées de l'extérieur, et
aliénation dans un travail inutile a ses besoins et a ses aspirations
propres. Or l'idéologie, a l'inverse de l'astrologie, nie qu'il puisse
exister de telles aspirations propres a chacun, qui soient indépendantes du
milieu socio-culturel.

Toute activité est devenue publique, socialisée, contrôlée par l'État et
par le Marché. Contrairement a ce qui est assené, nous ne sommes pas dans
une logique des "Droits de l'Homme", et il n'y a pas de stade "bourgeois",
comme le croit Marx. Il n'y a qu'Aristocratie ou Prolétariat : c'est ce qu'a
compris Tocqueville dans son autre ouvrage, L'Ancien Régime et la Révolution
(1856). Nul n'est plus en mesure d'exercer une activité conforme a ses
aspirations, ni de jouir librement des fruits de cette activité, sans avoir
de comptes a rendre, sans avoir a en faire profiter quiconque, sans etre
tributaire du racket étatique. Ainsi de sa femme, ou de ses femmes, de ses
enfants, non plus réels mais publics, modélisés.

(...)

Tocqueville demeure l'un des piliers pour une réflexion sur la modernité,
comme l'a montré François Furet (Penser la Révolution française, Paris,
Gallimard, 1978). Il a vu et prévu l'avenement de la société future, la
nôtre, avec un ou deux siecles d'avance. Les astrologues se targuent d'une
illusoire capacité a prédire ou pronostiquer le futur, alors qu'ils sont
impuissants face a l'avenir proche, a seulement quelques semaines d'une
échéance (cf. les récentes élections américaines : novembre-décembre 2000).
Les plus rusés dressent des bilans mitigés, parsemés de formules ambiguës,
qui pourront paraître valider leurs pronostics aux yeux d'un public crédule.
Je l'ai déja dit : ce n'est pas la faire de l'astrologie, mais la reconduire
a coup sur vers le jeu de dupes dans lequel elle s'est noyée il y a trois
siecles.

(...)

L'idéologie moderne stipule que la libre et bonne volonté commande les
réformes utiles au sein des sociétés démocratiques. Or les gouvernements
n'agissent en réalité que sous la double contrainte des pressions
économico-financieres, et de l'opinion publique, puisque ce sont les masses
qui leur accordent et leur retirent leurs suffrages. Les politiciens,
collectivement, cherchent a contenir l'opinion publique par la démagogie et
par la publicité, et a faire passer les diktats du Marché pour le choix
raisonnable. Tout l'effort politique consiste a convaincre les citoyens de
la nécessité de cette identification. Puis, a l'heure de la compétition,
chacun d'eux tente de persuader qu'il incarne le mieux ce consensus, et
qu'il fait les meilleurs choix, ceux du bon sens politique : boucs et singes
en effigies d'un spectacle qui se résume a l'animation d'une girouette
velléitaire, orientée par la concurrence de pantins, rivaux
interchangeables, soumis a l'opinion et aux pressions du Marché. Aucune
époque n'a connu pareille dégénérescence de la volonté politique.

Michel Foucault a montré que le pouvoir moderne n'était ni matériel
(contrainte physique), ni personnel (contrainte volontaire), ni politique,
mais structurel, et caractérisé par son ubiquité, sa multi-localisation, son
immanence, constitué d'une multitude de micro-pouvoirs répartis entre tous
les acteurs, avec des lieux de plus grande condensation. En fait le "pouvoir
moderne" n'est qu'illusion : "auto"-suggestion de l'idéologie intériorisée
par chacun.

L'idéologie semble fonctionner par idées séparées ou par couples de
contraires (gauche/droite, politique/justice, privé/public...), passant sous
silence les présupposés du systeme : la "réforme" fait partie intégrante du
dispositif, elle en est la continuation prévue, car il s'agit toujours d'en
reconduire l'ensemble sous une forme quelque peu modifiée. Mais l'idéologie
moderne est un concept beaucoup plus vaste qui dépasse son aspect politique,
le plus naif. L'idéologie, c'est la forme intériorisée de la servitude
commune décrite par Tocqueville. Je propose trois criteres de
reconnaissance :

* L'idéologie impregne la conscience. Elle ne fait qu'un avec la
conscience. Elle n'est pas un objet extérieur de pensée aisément
identifiable, ni auquel on s'oppose aisément, mais elle est cet état de
penser qui influe incidemment sur les jugements émis sur ce auquel on croit
s'opposer. L'idéologie est tellement prégnante qu'on y retombe encore quand
on croit s'en libérer. Ainsi : éteindre le poste de radio (qui transmet le
discours de circonstance déja entendu cent fois ailleurs et par d'autres,
car l'important n'est pas le locuteur, mais que le babillage consensuel soit
transmis, peu importe par qui pourvu qu'il y ait quelqu'un qui puisse le
transmettre) ... et mettre un disque de rap !

* L'idéologie n'est pas extérieure, chez les autres, en Chine, sous le
Reich, chez les Zoulous, ou du temps des Azteques : elle est actuelle, en
acte, "chez nous", omniprésente. Ce qui se passe ailleurs n'est que
curiosité : l'idéologie, c'est d'abord le discours du voisin ou de votre
femme. La dénonciation de l'idéologie présupposée chez les autres n'est pas
faite pour convaincre les autres, mais pour renforcer l'idéologie chez nous.
Il en va de meme des institutions pénitencieres chez Foucault. L'idéologie
produit naturellement ses réformateurs, critiques et sceptiques attitrés,
ses bouffons ; elle sait les reconnaître et les rémunérer en conséquence.
Ainsi s'explique d'ailleurs l'effondrement soviétique : par la supériorité
de l'idéologie occidentale et de ses élites intellectuelles. Le lourd
appareillage de la propagande soviétique était naif : il suffisait de
flatter l'amour-propre, de laisser chantonner les sirenes de la liberté, de
la volonté, de la responsabilité, du partage, de faire croire a chacun qu'il
est l'auteur, l'acteur et surtout l'entrepreneur de son existence.

* L'idéologie ne tient pas en quelques idées, valeurs ou lignes
directrices, ni meme en un réseau d'idées. Elle est une organisation
structurelle sous-jacente aux idées, une disposition de l'esprit. Elle est
le théâtre d'implosion de toutes les idées dans l'esprit. Aussi ne combat-on
pas l'idéologie par le discours, l'argumentation, la raison, l'intelligence,
car, par définition, l'idéologie a déja truqué tous les discours, toutes les
argumentations. Elle a biaisé la raison et miné l'intelligence. On ne peut
la combattre que par le silence.

Le terme idéologie a été forgé par le philosophe Destutt de Tracy pour
désigner la connaissance des idées ou faits de conscience. Marx s'en empare
pour qualifier les penseurs inconscients des réalités économiques et
matérielles sous-jacentes a leur raisonnement. Depuis, il est couramment
utilisé pour disqualifier sans proces les idées qui ne se conforment pas aux
normes de la pensée, de la raison ou du consensus. J'appelle, quant a moi,
idéologie, non pas le systeme de représentations mentales qui caractérisent
la mentalité d'une "classe dominante" (Marx), mais l'ensemble des réflexes
culturels de la mentalité dominante, toutes "classes" confondues,
inconsciemment vécus par le plus grand nombre, et en tant qu'ils évacuent,
neutralisent et excluent les représentations mentales concurrentes qui
caractérisent la différence. L'idéologie s'enracine dans les esprits a
travers l'ignorance, la peur, la paresse, et la lâcheté.